A tou·te·s les confrères et consoeurs sophrologues. | Temps de lecture : 15minutes
Cher·e·s ami·e·s, collègues Sophrologues et sceptiques, bonjour. Dans l’émission radiophonique de France Inter « Grand bien vous fasse ! » présentée par Ali Rebeihi, le 18 Février 2019 nous avons pu entendre un sujet consacré à la Sophrologie.
[ Disponible ici >> https://www.franceinter.fr/emissions/grand-bien-vous-fasse/grand-bien-vous-fasse-18-fevrier-2019 ]
Puisque j’ai choisi de suivre une formation éponyme et de faire de la Sophrologie une part de mon approche pratique de la personne, je vais me prononcer au sujet du contenu de cette émission. Les invités étaient : – Richard Esposito, sophrologue, directeur du Centre de formation des sophrologues professionnels, président du groupe d’épistémologie de la sophrologie (GES) – Guillaume Dolpierre, ambulancier et sophrologue. – Thomas C. Durand, docteur en biologie végétale, du blog et de la chaîne Youtube « La Tronche en biais. – Aline Perraudin de Santé Magazine.
A l’écoute de cette émission il m’a semblé que les invités qui exercent la sophrologie en tant que discipline auprès de client·e·s sont bien mal aisés à apporter une définition qui se prêterait bien à l’exercice de l’émission de radio. De grandes longueurs sont évoquées pour proposer une explication, mais rien n’est simple et leurs contributions tiennent à mon sens plus de l’explication que de la définition, or il se trouve que la Sophrologie est déjà trop peu sujette à des études scientifiques et qu’en face de ces sophrologues se trouvent à la fois les auditeur·rice·s, avides de clarté, et des invité·e·s à la recherche de pureté intellectuelle autant que de vérité.
Un cocktail qui pourrait facilement leur monter à la tête et faire rapidement perdre toute crédibilité à une discipline déjà torpillée par le corpus théorique qui la définit « vivance existentielle, ressentit moléculaire et autres cyber conscience phronique… » autant que par les personnalités new-age de certain·e·s de celleux qui l’exercent, comme leur tendance aux mélanges farfelus d’explications qui piochent dans des domaines trop variés, affirmations et biais cognitifs, preuve par l’ignorance et arguments d’autorité…
Évidemment toute chose discutée par un groupe de personnes poussant leur expertise dans un domaine précis, est sujette à un langage, un vocabulaire de symbolique et pourquoi pas même de raccourcis intellectuels. Cependant, expliquer la Sophrologie à quelqu’un en annonçant « vivance phronique et exercices de relaxation dynamique de différents degrés », ne parlera qu’aux initié·e·s. Tombant ainsi dans l’ésotérisme, une discipline qui n’a encore pas apporté de preuve de son efficacité, déciderait-elle de se couper elle-même les jambes ?
Ce n’est bien entendu pas ce que les invités de l’émission ont souhaité faire et l’apport de M Esposito qui reclasse la « visualisation » en « évocation » m’a semblé très juste. Puisqu’à mon sens tout n’est affaire que d’intention. Il n’empêche que je n’ai pas entendu de définition qui m’ait convaincu (et c’était la position même de l’auditrice dont le message a été lu à l’antenne) et que j’oserai annoncer à celleux que j’appelle mes patient·e·s.
Sans plus faire attendre, je vous propose ma définition de la Sophrologie avant de continuer mon propos.
« La Sophrologie est une discipline qui regroupe différentes techniques d’écoute intérieure des états et sensations qui transitent dans le corps et l’esprit. Ces techniques s’articulent selon quatre grands principes qui rendent la discipline adaptée aux besoins et attentes de chacun.
-Toujours revenir à la sensation corporelle et être présent à soi quel que soit sa posture et le mouvement engagé (dans la contraction comme la décontraction). -Poser un regard objectif sur ce qui se ressent pour en faire un évènement transitoire reconnu et non une réalité permanente affectant l’individu.
-Agir positivement dans chacune de ses intentions et générer une attitude qui valorise volonté et réussite, sans s’attacher aux inhabilités aux écueils de l’entrainement.
-L’adaptation permanente à la réalité de l’individu qui pratique, par une utilisation personnalisée des outils de la sophrologie sans standardisation, prenant l’humain en considération avant la pathologie ou l’état émotionnel.
C’est une discipline intégrant la réalité de la personne et ses objectifs, qui pousse à l’autonomie dans une attitude positive et engagée à se ressentir comme théâtre des états intérieurs (souvent induits par l’extérieur) mais jamais victime de ceux-ci. »
Ceci dit, il existe certainement autant de Sophrologie que de sophrologue et c’est bien le problème. Puisque l’exercice est identique, le ressenti lui est toujours individuel. Et c’est alors la créativité, l’adaptabilité et l’intention du·e·la sophrologue à coller à la réalité objective du pratiquant, qui l’aidera dans la réalisation de ses objectifs. Ainsi le·a sophrologue est astreint·e à ne pas être un « juke-box » des techniques et à en avoir suffisamment fait l’expérience pour proposer des séances que son savoir empirique (passé par le prisme des principes mentionnés plus haut) et son attention bienveillante au pratiquant rendront cohérentes et fécondes. Alors le·a bon·ne sophrologue est celui·elle qui pourra certainement vous motiver à travailler pour vous et à vous remercier vous-même pour le parcours que vous aurez accompli, un pas après l’autre. Puisqu’il est toujours vrai que vous avez arpenté seul le chemin, même si vous étiez guidé par un GPS bien à jour.
Les sophrologues selon mon expérience sont bien prompts à sortir toute la terminologie ronflante et à refuser l’approche scientifique comme si elle était l’ennemie de la discipline. Qui l’est parfois. Lors de la soutenance à la fin de ma formation par exemple, où mon jury m’a dit en substance que mon approche n’était pas suffisamment vivante. Puisque le dernier paragraphe de mon rapport tenait comme propos : « Bien que ne disposant pas de groupe témoin comme une étude scientifique de valeur le demanderait, je suis seulement en mesure de livrer un témoignage, et d’appeler à la répétition des techniques proposées pour voir si la reproductibilité des résultats est possible.»
Mais quoi dans ce cas ? Faut-il faire plus que s’intéresser de façon empirique ? Faut-il faire du Yoga et se nourrir d’air pour être légitime auprès des confrères·soeurs ? Dans ce climat clivant, où se situerait la place de celui·elle qui nourrit sa spiritualité sans pour autant s’isoler de l’Autre, celui pour qui la spiritualité est le handicap de l’intelligence et de l’objectivité ?
Alors je vais choisir un exemple dans lequel je ne suis pas à la fois juge et parti (ou pas). Si je vais faire mon jogging le weekend, ou que je m’inscris à la salle, je n’ai aucune envie d’entendre un coach me parler de « ma consommation d’ATP et de mon temps de récupération optimal. » J’ai envie de faire mes séries ou de courir le regard vacant. Je veux me sentir bien dans mon corps et être beau quand je suis tout nu, cela me suffit d’y croire déjà.
J’ai choisi cet exemple parce que la seule étude viable à ce jour sur la Sophrologie la compare comme placebo de l’activité sportive. Les conclusions de cette étude annoncent que la Sophrologie est aussi utile que l’exercice physique, à ceci de moins que la Sophrologie ne va pas vous remuscler…
Mais cela fonctionne autrement aussi, et cela servira davantage mon propos.
Si je tombe malade et que je suis hospitalisé, le médecin qui va venir m’expliquer que « je suis algique parce que j’ai une petite hémorragie gastroduodénale et que l’on va devoir me faire subir une endoscopie pour s’assurer que mes acides gastriques ne sont pas en train de se vider dans mon médiastin. »
Ce médecin-là, je vais devoir me soumettre à ses tests invasifs sans les comprendre vraiment… Enfin, je grossis le trait vous vous en doutez.
Tout est pour moi une question de consommation, de désir d’immédiateté. Et si l’on propose une prestation dont la définition elle-même est vaporeuse le cerveau, bien programmé qu’il est, va toujours choisir la solution la plus facile, celle qui nécessite le moins de dépense énergétique pour obtenir la résolution du problème la plus rapide ou le plus de plaisir.
De la même manière, le·a pratiquant·e de Sophrologie aura bien assez à faire avec son propre cheminement pour ne pas s’encombrer d’une terminologie pompeuse. Et s’il·elle s’aperçoit de son envie d’en apprendre plus sur le champ théorique, la demande germera, la recherche de sa propre voie commencera. Sous forme de syncrétisme ou d’esprit de synthèse, comme M Esposito crédite Caycédo, « l’inventeur » de la sophrologie.
La vie va dans un seul sens, et il y a du temps pour en parler. Mais la démarche de ceux qui sont en souffrance, c’est l’urgence. L’urgence de résoudre les états déplaisants, de faire taire la détresse, de se sortir de l’engluement… Alors je demande aux sophrologues de tous bords, de toutes les écoles, et surtout ceux qui publient, de se prêter à l’exercice que je vais appeler « de la simplicité ». Si vous avez bien compris votre discipline, parlez-en simplement. Souvenez-vous du fou rire à peine retenu de ce·tte pratiquant·e qui en entend un·e autre à la fin d’une séance exprimer ses ressentis et parler avec candeur de l’infini, du cosmos ou de la conscience pleine. Et souvenez-vous des principes de la méthode, et de votre rôle à ce moment pour réorienter la personne vers la sensation de son corps et de la façon dont l’évènement cosmique infini se manifeste dans son corps. Et surtout de l’attitude bienveillante que vous avez gardé même en face de la raillerie. Fort·e·s de ce positionnement, vous aurez agi positivement pour les deux, et le groupe entier.
A tou·te·s celleux qui en ont les moyens, essayez la méthode et appliquez-la à votre réalité. Soyez dans le doute, et partez à la recherche de vos réponses empiriques. Suivez les instructions à la lettre parce que c’est le meilleur moyen de douter, en jouant selon les règles imposées. Et tout ce qui ne vous parle pas, ne le faites pas. Un jour peut-être aurez-vous la curiosité d’essayer ces choses que vous délaissiez, vous en réaliserez peut-être à ce moment-là les raisons de leur présence depuis le départ. Aussi, financez et/ou participez à des études sur la valeur thérapeutique de la Sophrologie. Enfin, si vous me le permettez, laissez-moi continuer de vous affirmer que je ne fais que témoigner, que je ne suis sûr de rien. Je suis heureux quand je viens essayer avec vous, comme si c’était la première fois.